Slow Food complètement à l'ouest : Rencontre des conviviums bretons !
Quand un convivium breton rencontre un autre convivium breton, qu'est-ce qu'ils se racontent ? Des histoires de bretons, mais pas que... Ce week-end du 1er mai, direction le Finistère. Une belle occasion de réunir les conviviums de Nantes, Quimper et du Trégor autour de quelques visites de producteurs et d'éleveurs finistériens, et d'évoquer nos actions et projets respectifs au Comptoir du Théâtre, où étaient également présents bon nombre de producteurs partenaires de Xavier Hamon. Militant actif et restaurateur engagé, ce dernier s'occupe également de l'"Alliance des cuisiniers", qui fédère les chefs de cuisine désireux d'approfondir leurs techniques et leurs savoirs pour mieux connaître les races locales, et être en mesure d'acheter des bêtes entières. Une démarche primordiale pour valoriser le travail de l'éleveur, et mieux soutenir les filières de l'élevage de races locales. Lors des dîners des 2 au 4 juin, c'est aussi lui qui officiera au Nantes Food Forum !
Samedi, après une halte à Trégunc au très chouette salon bio et alternatif "Grains de Sable", direction Moguérou-Sizun, chez Alain Jacob. Eleveur de porcs blancs de l'ouest, Alain nous a présenté ses cochons. Alain ne fait pas aux truies ce qu'il n'aimerait pas qu'on lui fasse, et ce sont donc des animaux comblés que nous avons observés, sur une bonne couche de paille, curieux de nous, familiers, propres... Un élevage comme on aimerait en voir plus souvent. Et comme Alain travaille en famille un nombre limité d'animaux, il peut également se consacrer à un petit troupeau de vaches composé de plusieurs races : Nantaise, Bretonne pie noire, Montbéliarde... Que nous avons pu caresser et voir se régaler de bonne herbe grasse. Avec leur lait, Alain s'est lancé dans la fabrication d'une tomme délicieuse. Une activité diversifiée, des cheptels à échelle humaine, voilà le secret qui lui permet de consacrer plus de temps à ses bêtes, à faire plusieurs métiers, à échanger avec des restaurateurs comme Xavier qui travaille son porc blanc de l'ouest. Bref, à donner un vrai sens à son travail d'éleveur.
Dimanche, c'est la conchyliculture -soit l'élevage de mollusques en général- qui nous a livré ses secrets et ses enjeux aux Viviers de Penfoulic, chez Fabien Laupiès et Béatrice le Meur. Dégustation à l'appui, Béatrice et son enthousiasme nous ont raconté leur travail aux champs, même si ces derniers sont sous la mer. Installés à la Forêt-Fouesnant, les viviers commercialisent huîtres, coques, palourdes grises et roses, bigorneaux et vernis. Fervents défenseurs de la biodiversité, Béatrice et Fabien n'exploitent que des coquillages naturels. Les huîtres, notamment, ne sont pas des huîtres triploïdes stériles nées en écloseries, mais des huîtres nées en mer. Les naissains viennent d'un élevage que nous connaissons bien aux "Pt'its Beurrés", pour avoir organisé avec Jean-Noël Yvon et Tifenn, une rencontre-débat-dégustation autour de l'huître naturelle à la librairie "Les Bien Aimés" à Nantes, autour du très bel ouvrage de Catherine Flohic sur le sujet. Mais les huîtres d'une même origine, affinées dans la ria d'Etel et dans l'anse de Penfoulic n'auront pas le même goût. A l'instar d'un cépage, la notion de terroir marque le coquillage comme le vin.
Même si on n'a moins l'habitude de parler de notion de "merroir", c'est pourtant ça ! Qualité de l'eau, richesse en plancton, équilibre de la population de prédateurs, non, la conchyliculture n'est pas un long fleuve tranquille. Surveillance bactériologique, prélèvements, entretien des parcs (afin qu'ils de s'envasent pas), l'élevage de tout ce petit monde à coquille n'est pas de tout repos. Forts de ces savoirs, conscients de la somme de travail, de connaissance et de savoir-faire requis, la dégustation n'est pas la même...
Lundi, changement de décor, à la rencontre d'Anne Roche, productrice de safran, d'Aloe Vera et d'Aloe Arborescens BIO à Pouldreuzic. Au pays du cidre Kerné et du paté Hénaff, ces productions détonnent. Installées depuis 2011, ce sont néanmoins des cultures locales, même marquées d'un certain exotisme. Après tout, aujourd'hui en Bretagne, personne ne voit la tomate comme un produit mexicain, ni le sarrasin comme une curiosité de Chine du Nord... La culture du safran relève de l'orfèvrerie quant à la minutie du travail demandé. En résumé : Chaque fleur donne 1 pistil, lui-même produisant 3 stigmates. Il faut environ 160 fleurs pour 1g de safran... On touche du doigt le pourquoi du prix de cette épice. Le safran d'Anne est séché au four pendant 2h50, contrairement au procédé de séchage en plein air souvent employé au Maroc par exemple. Ce choix est motivé par un résultat plus aromatique.
Travaillant initialement dans l'univers du cheval, Anne fut amenée à s'intéresser aux vertus médicinales des plantes pour apporter des soins naturels à ses chevaux. C'est ainsi qu'elle s'est naturellement tournée vers un anti-inflammatoire idéal sans effets secondaires, ou plutôt si, mais bénéfiques...
L'Aloe vera. Parmi les 420 variétés d'Aloe, seules quelques unes ont des vertus thérapeutiques, dont le Vera et l'Arborescens. Dans la petite serre d'Anne, les deux variétés sont cultivées et vendues, soit au poids, soit en pied. Appelé aussi "plante aux mille vertus", je ne vous n'en énoncerai que quelques-unes : anti-inflammatoire, anti-fongique, antiseptique, bon pour la peau, cicatrisant, favorisant le renouvellement des cellules, fortifiant, assainissant de la flore intestinale, anti-reflux gastro-oesophagien... etc. Depuis 5000 ans, dans de nombreuses civilisations, cette plante incarne à elle seule une panacée. Utilisée également en médecine préventive, des vertus anti-cancer lui sont même attribuées.
Mais Aloe Vera et Arborescens, même combat ? Presque, si ce n'est que le premier ne doit pas être consommé avec sa peau, riche d'une substance irritante pour l'intestin. Quant au second, plus concentré car moins riche en eau, sa peau peut-être ingérée. Sur son site www.esprit-safran-et-cie.com, Anne raconte les bienfaits, les recettes et l'histoire de ces plantes magiques.
Depuis un certain temps, on observe que les bretons n'ont plus de chapeaux ronds. C'est à croire qu'ils les ont remplacés par une grosse énergie et une sacrée détermination pour faire bouger les lignes. Vers une Bretagne bonne, propre et juste à priori.