"Slow honey", avec Virgile Mazery à Guenrouët.
Vous y étiez ? Ca vous fera un repère. Vous n'y étiez pas ? Alors voilà ce que vous avez raté. Une sacrée journée Slow Food. Sous le signe de l'apiculture d'abord, par un piqué de l'abeille "au sens propre comme au sens figuré" comme il se plaît à le dire. "Il", c'est Virgile MAZERY, qui après une quinzaine d'années d'élevage laitier et d'expérience fromagère, fait sa première rencontre avec les abeilles en tombant sur quelques ruches abandonnées, au fond de l' exploitation laitière reprise par un copain. C'est le coup de foudre. Adieu vaches, bonjour petites abeilles. Depuis ses premières ruches il y a dix ans, du pollen est passé sous les ponts. En 2010, il s'installe en bio. "Je ne me vois pas travailler autrement aujourd'hui. Que ce soit pour la santé, ou le fait de transmettre des terres propres aux générations futures".
Diversifier l'activité pour en vivre.
Aujourd'hui, Virgile a 400 ruches, réparties sur deux ou trois cantons. Il pratique une apiculture sédentaire. Il est aussi resté éleveur, mais cette fois, d'abeilles et de reines, une activité complémentaire assez rare qui lui donne l'opportunité de vendre des essaims. Il récolte aussi du pollen, et de la gelée royale, un produit rare et extrêmement complexe et délicat à extraire. Des activités et produits divers, qui lui permettent de compenser les dernières années catastrophiques en production de miel."Il y a encore 30 ans, on pouvait compter parfois jusqu'à 200 kilos de miel par ruche à l'année. Aujourd'hui, quand on récolte 20 kilos, on est content...".
La Reine voyage par la Poste !
Victimes des hécatombes, les apiculteurs font souvent appel à Virgile pour renouveler leur cheptel. "Tenir le cheptel", un leitmotiv chez les apiculteurs. Changement de climat, appauvrissement des paysages, pesticides néonicotinoïdes, trois fléaux auxquels s'ajoutent depuis quelques années le "Varoa", un acarien venu d'Asie qui parasite les abeilles de toute la planète (sauf l'île d'Ouessant, encore exempte), et le frelon asiatique, très agressif avec les colonies d'abeilles. Autant dire qu'il faut avoir le moral. Ca tombe bien, Virgile est du genre optimiste. Il vend donc des essaims, des reines, et parfois, ses clients étant trop loin pour faire le voyage, les reines voyagent dans de petites boîtes, accompagnées de quelques ouvrières qui s'occupent de leur confort pendant le voyage. Il faut ce qu'il faut pour sa majesté.
La Ruche, comment ça marche ?
Parfaits néophytes que nous sommes, Virgile nous raconte. "Une ruche, c'est une boîte. Les abeilles, c'est l'essaim. Grosso modo, il y a trois castes chez les abeilles : ouvrière, reine, et mâle". Oui, chez l'abeille, c'est comme pour la baleine ou la souris, un jour on réalise que le terme peut désigner des mâles. On notera quand même que dans la ruche, c'est surtout les filles qui bossent. Je dis ça j'ai rien dit. Il y a donc la reine, qui devient reine, alors qu'il n'y a pas de roi. Je dis ça j'ai encore rien dit. Comment ? C'est son alimentation qui détermine sa vocation. Contrairement aux ouvrières, nourries toutes petites par de la "bouillie larvaire" (je vous donnerai la recette si vous êtes sages), la reine est nourrie de gelée royale... Cette gelée est sécrétée pendant quatre jours par une glande des ouvrières, et stockée pour la reine. Résultat, une ouvrière vit 3 semaines, une reine 5 ans. Oui oui, je vous vois venir. Mais non, on ne devient pas reine en mangeant de la gelée royale, et on ne vit pas 45 fois plus longtemps. En revanche, on fait énormément de bien à ses petites cellules, qui seraient boostées et notre système immunitaire s'en trouverait renforcé. Une petite cure est donc tout à fait bénéfique.
Les ouvrières, qui ne vivent que 3 semaines, passent d'une tâche à l'autre au sein de la ruche. Elles commencent par élever la progéniture de la reine, qui pond quelques 2000 oeufs par jour... Puis elles nettoient les alvéoles, partent butiner, et finissent leur vie par une dangereuse mission : celle de rapporter de l'eau dans la ruche... Car le point d'eau, c'est la jungle, grenouille, triton : Le danger guette.
Et le mâle dans tout ça ? Eh bien il fait le mâle. Quand la reine prend son envol, les faux-bourdons arrivent et les fécondent en plein vol. L'idylle dure deux jours. Une dizaine de prétendants font leur ouvrage, et meurent en vol juste après le coït, qui est vraiment interrompu. La reine pendant ce temps, toujours en vol, remplit sa spermathèque, dans laquelle elle puisera la semence qui fécondera ses 2000 oeufs par jour. Ou pas. Avec semence, c'est une fille, sans semence, ce sera un mâle... C'est la reine qui décide. Les mâles restent dans la ruche pendant 4 mois, et sont congédiés. Ah bah oui c'est comme ça. Et même pas besoin de faire brûler le torchon.
Pas de fleurs, pas de miel.
Logique. Il faut manger pour vivre. Se souvenir aussi que les abeilles tolèrent qu'on leur prélève leur production, mais elles ne font pas tout ça rien que pour nos yeux au départ. Chez les abeilles, il faut aussi vivre pour manger. Dans un rayon de 3km, elles partent en expédition, cherchant l'odeur du nectar... Mais si la fleur, le buisson ou l'arbre en fleur ne tient pas ses promesse nourricières, l'abeille meurt d'épuisement. C'est parfois le cas avec des essences telles que le tilleul argenté, très odorant, mais terriblement pauvre en nectar. Attirées par la puissance de son parfum, les abeilles partent... Mais faute de carburant, elles ne reviennent pas de l'expédition. C'est pas une vie.
Chez Virgile, en Loire Atlantique, les floraisons se succèdent à peu près du printemps à la fin de l'été, et permettent aux abeilles de vivre presque sans apport de sirop. On commence par le saule, l'épine noire, puis la prunelle, puis le pissenlit et le colza. Dernière floraison : l'aubépine, qui dure environ 3 semaines. Mais vers la mi-mai, terminé, plus de fleurs, plus rien à manger...il faut attendre fin mai pour trouver de l'acacia, mais très peu nourrissant en sol acide, puis viennent enfin les fleurs d’été : le trèfle blanc, la ronce et le châtaigner, pour faire le miel dit « toutes fleurs ».Quand les abeilles n'ont plus de fleurs à butiner, il faut les nourrir. Avec du sirop de sucre de canne bio.
Au coeur de la ruche, on se tient chaud. Même s'il fait -20° dehors, il fait 37°. Tiens tiens...On apprend que les abeilles ne fabriquent pas que du miel, mais aussi de la cire, de la propolis (puissant antiseptique et antibiotique de la ruche), qu'elle rapportent aussi du pollen, qu'elles sécrètent de la gelée royale... Bref, un système complexe.
Le bio, pour le miel, ça veut dire quoi ?
Ca veut dire que le miel de Virgile est l'objet d'une certification (Ecocert), dans la mesure où il respecte un cahier des charges dans la conduite de ses ruches, qui entre autres, lui demande de nourrir ses abeilles avec un sirop bio, de n'utiliser que des matières naturelles dans la fabrication de ses ruches (exit le plastique ou le polystyrène), et de ne pas traiter ses abeilles avec des produits chimiques dans la lutte parasitaire. Et bien entendu, il faut que ses abeilles soient en présence de fleurs non traitées.
"Un de mes miels n'est pas bio, car mes abeilles butinent un colza qui n'est pas bio. Tant que le colza est en fleur, je suis obligé de déclasser mon miel". Ce serait trop simple faut dire.
Questions-réponses avec Virgile :
Une ruche en ville, c'est bien ?
Pourquoi pas, mais la bonne question, c'est "y aura-t-il suffisamment à manger pour les abeilles autour ?" Leur survie dépend de ce qu'elles trouveront autour comme fleurs... Trop de ruches en ville et c'est la famine assurée. A méditer !
Et les bourdons ? Ca sert à quoi ?
Les bourdons sont une espèce à part entière, contrairement aux faux-bourdons, qui sont des abeilles mâles. Ils font partie des insectes pollinisateurs et sont extrêmement utiles ! Il ne faut en aucun cas les détruire...
Et les guêpes et frelons ? Nuisibles ou pas ?
Ils sont utiles... Même si on le sait moins et que l'on ne perçoit que leur dangerosité potentielle. Par exemple quand les cadres des ruches sont vides, ils viennent se nourrir du reste de miel et de pollen restés accrochés et nettoient comme personne...
Et le frelon asiatique ??? Comment agir ?
Il semblerait qu'à vouloir le piéger, on piège plus d'insectes utiles que de frelons asiatiques... A savoir aussi, à l'automne, les colonies meurent, les nids sont désertés et ne resservent jamais. Inutile donc, de payer des fortunes pour faire détruire des nids vides et inoffensifs avec des produits polluants ! Quant aux individus naissant au printemps, ils se livrent à des éliminations naturelles pour conquérir la place. Une régulation qu'il ne faudrait peut-être pas entraver. Quoi qu'il arrive, il va falloir apprendre à vivre avec, car leur rythme de reproduction rend leur élimination totalement illusoire.