Atelier n°5, les poivres !

Publié le par Magali Hidalgo

Nous recevons aujourd'hui Sylvie Jobbin, personnalité généreuse et passionnée comme nous les aimons à l'association Slow Food.
Ingénieur agronome convertie à l'informatique pour raisons alimentaires, c'est un "accident de placard" qui a décidé de sa future vocation. Pas de heurt contre des portes dangereuses, non, tout simplement la recherche d'un flacon d'épices particulier qui s'est transformée comme toujours en nettoyage par le vide après le difficile constat que tous ces flacons étaient sans odeur ni saveur.

Qu'à cela ne tienne, Sylvie rapportera de ses voyages les bonnes épices pour sa consommation et celle de ses amis et, de fil en aiguille, choisira une troisième voie, bien plus intéressante pour nous : elle sélectionnera et importera les épices qu'elle aime pour ceux qui les apprécient.

Sylvie, Marco Polo des temps modernes devenue ainsi "épicière", une vraie de vraie, est venue nous parler "poivres", une de ses spécialités. Et nous voilà embarqués pour des voyages au long cours, à la découverte de nombreux poivres, des "vrais" et des "faux", oui, faux parce qu'il s'agit de baies, appelées "poivre" ou « poivre agrume », tout simplement parce qu'on les utilise comme des poivres. On pense au plus connu, le poivre du Sichuan, qui est typiquement un "faux" poivre !

Pour Sylvie, pas de spéculation sur les cours de ces richesses, elle achète ses crus chaque année, quel qu'en soit le prix, uniquement auprès de petits agriculteurs choisis pour leur compétence, leur respect de la terre et des gens, et de petites coopératives qui ont les mêmes convictions. Je ne peux m'empêcher de penser à Alain Bombard, dont la mère rapporta des colonies africaines une énorme malle de poivre acheté avant guerre, de quoi vivre cinq ans et payer les études de médecine de son fils.

Une arrivée de qualité médiocre ? Retour illico à l'envoyeur ! Tant pis si Sylvie a passé des mois à suivre les pérégrinations du cargo sur les océans avec sa précieuse marchandise. 400 kg de poivre dans un m3, impressionnant…


Avant de se retrouver en flacons, les grains se présentent en longues grappes en haut des arbres, des cacaoyers le plus souvent ; c'est qu'une liane de 5 à 6 m de long, ça pousse, ça grimpe ! une photo du célèbre Joseph, cultivateur en Inde, en haut de son échelle de bambou, dévoile tout le mystère du poivre ; Joseph est beau, j'ai l'impression que sa photo accompagne Sylvie partout, petit ou moyen format, et en grand pour veiller sur elle dans sa boutique.

Si le poivre est noir, gris, vert, blanc ou moulu pour tout un chacun, on découvre avec Sylvie que la vérité est plus subtile.
S'il s'agit d'un "vrai poivre", il est tout petit avec une grande queue fine (le poivre sauvage de Madagascar), avec ou sans queue selon les variétés dans une peau ridée plus ou moins brunâtre (le Malabar d'Inde, l'ancêtre des poivres, le Cubèbe d'Indonésie, le poivre rouge de Phu Quoc du Vietnam...) et que dire de l'étonnant « Poivre Long » d'Indonésie ? Un tube de trois cm de long, un aspect de chaton de saule pétrifié dans une écorce de mini pigne de pin ! Spectaculaire ! Bon sur des côtes d'agneau, un fromage de chèvre à l'huile, un dessert au chocolat, des fruits au sirop…
S'il s'agit d'un agrume, il a lui aussi une forme de petite bille, mais qui est toujours largement ouverte. Il suffit de humer ces belles graines pour réaliser la différence ; le « Sichuan » de Chine (orange/menthe), le « Sansho » du Japon (citron/menthe), le Poivre de « Timut » du Népal (pamplemousse), les «Baies des Cimes » du Vietnam (orange).

Sylvie est généreuse, je l'ai déjà dit, gourmande et imaginative, vous avez dû le comprendre. Elle essaye, goûte et fait goûter, adopte selon ses goûts et ceux des autres, et quels résultats ! Preuves à l'appui dans notre assiette :
- Fraise et poivre de « Malabar » aux notes boisées, une association qui émoustille l'imagination avant les papilles !
- Chocolat Marou du Vietnam et « Phu Quoc », aux notes de fruits rouges, aussi simple à réaliser qu'à apprécier : se faire sa tablette, avec un très bon chocolat fondu, un peu de « Phu Quoc », le tout à refroidir en faible épaisseur dans des moules en silicone, et on déguste !
- Abricot et poivre de "Timut", on devient vite inconditionnel !
- Jus de mangue/mandarine et « Sichuan », dommage de ne pas avoir un très grand verre ! mais le je referai cet hiver avec des salades d'orange, à moins que je ne prenne des « Baies des Cimes » pour en accentuer le goût. C'est le plein été, un thé glacé ? du Rooibos sur infusion de « Sichuan » ? Une réalisation qui prouve que le goût est une perception personnelle à chacun : voilà qui me plaît, pas d'uniformisation du goût chez les participants à l'atelier, la standardisation n'est pas passée par là.

Une création spéciale pour le "Voyage à Nantes" 2014 ? Un "sucre", mélange de rapadura, gingembre et "Timut", que je verrais bien sur des fruits simplement pochés.
Complexe ? En apparence seulement ! Sylvie brise le tabou "poivre/sucre" autant que celui "vanille/sel" et nous invite à partager son imagination.
Le précieux conseil sera suivi : salade de fraises sans sucre mais au « Timut », une « tuerie » ! Et des baies de « Green Mountain Pepper » (poivre agrume) en fin de cuisson, c'est tellement plus intéressant qu'un bouquet garni…

Quoi qu'il en soit, pour être certains d'acheter de la qualité, on choisira toujours du poivre en grains, et jamais du poivre moulu ou "mignonnette", qui ne désigne pas une qualité, mais du poivre concassé. Des dénominations qui cachent en général des poivres trop vieux, de mauvaise qualité, mal conservés, et sans aucun intérêt gustatif. De plus, une fois moulu, le poivre doit être consommé dans les heures qui suivent, afin de garder tous ses arômes !

Nous retrouverons Sylvie le 6 août prochain pour un atelier à la découverte des différentes vanilles et de leur utilisation !

Retrouvez les poivres de Sylvie dans son épicerie à Ancenis : "Des épices à ma guise", 27 rue St Michel, 02.40.09.61.89.

Atelier n°5, les poivres !
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