Atelier du goût n°3, la bière artisanale.
Il s'appelle Pierre Lesoin, c'est un authentique brasseur, et il nous a dévoilé les secrets de fabrication de ce breuvage universellement sympathique. Installé dans une ancienne forge à Carquefou, "la brasserie du Bouffay" fait partie des 400 petites brasseries artisanales... qui ne représentent que 2% de la bière française. Malgré une production industrielle monolithique, les petites brasseries ont leur place, car les goûts des gens évoluent et on s'en félicite. La bière, c'est de l'orge, qui subit une pré-germination. Cette pré-germination libère les sucres fermentescibles de l'orge. On le sèche, et on obtient du malt. Mélangé à l'eau, et sous l'action de la chaleur, les sucres se transforment en alcool. Après, il faut du talent. Dégustation ! La première gorgée de bière, -qui n'aurait pas déplu à Philippe Delerm-, fut une bière blonde et bio. Pour son malt bio, Pierre Lesoin se fournit localement, car à quoi bon faire du bio et du traditionnel si c'est pour faire venir du malt du bout du monde. "Un challenge philosophique" nous dit-il. L'eau, c'est celle du pays, qui a l'avantage d'être saine, et peu ferrugineuse comme disait quelqu'un. Le houblon est très peu présent dans cette bière légère, (5°), volontairement, pour ne pas trop l'amériser et laisser à ce bel orge la part belle. Je vous vois froncer les sourcils, oui, c'est le houblon qui donne à la bière son petit goût amer. Pour quoi faire ? Parce qu'autrefois, le houblon était un conservateur, qui stabilisait la vie microbienne et aseptisait la bière. Au moyen-âge, avant que le sucre ne pervertisse irrémédiablement nos papilles et en fassent de vraies junkies, le goût amer était très très apprécié ! Mais on a travaillé à enlever cette amertume du pamplemousse, des endives... L'amertume n'est plus ce qu'elle était, sauf dans la bière, donc. Profitons-en, avec le changement climatique et la pénurie d'eau qui commencent à se faire sentir, le houblon devient difficile à trouver. Deuxième bière, plus corsée, plus foncée, c'est la "Triple", qui se dit d'une bière au-dessus de 8° (celle-ci fait 8°3). Une grande finesse pourtant, une belle mousse. La 3ème bière dégustée est ambrée, elle titre 7°. Robe plus foncée, due à l'utilisation d'une certaine proportion de malt dit "chocolat", qui a été torréfié, pour dégager un petit goût de café, de chocolat... Un vrai parfum de malt, avec pratiquement plus de sucre résiduel, car la fermentation a été poussée jusqu'au bout. Désaltérante, savoureuse... Et génial à servir avec du fromage, contre toute attente. Mais d'où vient cette pureté du goût du malt ? Du savoir-faire, du choix des ingrédients, des savants dosages... mais aussi du choix des levures. Car loin des pratiques industrielles et des levures standardisées, Pierre Lesoin sélectionne ses levures comme on trie des diamants. C'est en Belgique qu'il est allée les chercher, dans une bibliothèque de levures. Et de la double fermentation, qui pour Pierre, est le procédé qui livre la plus grande richesse aromatique. C'est peut-être pour ça que la bière artisanale a ce petit goût de vrai, de bon, de propre, et de juste.